La Tendresse !
J’ai vu La tendresse mais je ne l’ai pas vue tout de suite. J’ai vu des corps et des visages, des feintes et des craintes, des histoires sèches et douces qui ébranlent et qui dansent.
On ne sort pas indemne de cette centaine de minutes qui dépeint la masculinité au XXIème siècle. On en sort rempli et vidé – plein de points de vue non explorés et nouveaux qui obligent à regarder les yeux grands ouverts – vide de ce rien qui habite si facilement des poncifs itératifs et lancinants sans engager vraiment.
Un de mes fils m’a dit, quand il a commencé à grandir : « Maman, est-ce que c’est vrai que les hommes sont tous des porcs ? » Cette pièce de théâtre est la réponse que je n’avais pas su lui donner.
Elle bouleverse à travers le mouvement de la violence et du désir, du contact et du partage. Jamais de justes didascalies ne parviendront à décrire les gestes et les déplacements tant ils sont millimétrés par une partition propre à chaque comédien.
Cette représentation bouleverse à travers ce qu’elle orchestre pour l’oreille et l’âme, du battement qui transcende aux basses percutantes jusqu’au silence pesant entre deux tirades qui upercutent.
Cette performance bouleverse à travers ce qu’elle dit, La tendresse, des hommes, de tous les hommes à travers ceux-là qui, sur scène, semblent nous révéler ce qui les anime en l’édulcorant sans doute parfois encore tant ces confidences préfigurent le brut et le vif du dedans.
Les méandres ne sont qu’en corps, le reste est en voix et envoie loin dans nos retranchements. Alors quand une jeune fille assise dans la salle se lève, en colère, et s’écrie « C’est honteux, lisez Despentes ! » et s’en va furieuse, on prend la mesure de la tension, la pression, l’endroit de crispation que reste cette masculinité qui tente de s’affirmer et les enjeux de ce qu’elle vaut maintenant.
Et ça claque, comme une gifle, quand un mur est évoqué et ça reclaque quand, quelques minutes plus tard, mon fils me dit qu’il s’identifie à celui qui évoque le mur…
Cette pièce est d’utilité publique parce qu’elle propose un autre point de vue, celui de jeunes hommes qui ont, aussi, leur lot de questions sans réponses. Parce qu’elle ne donne à la tendresse que ce qu’elle mérite, une place liminaire et crépusculaire qui l’amplifie, parce qu’elle est centrale, vitale. Parce qu’elle rappelle qu’on est tous des êtres qui cherchent à être avec un héritage non consenti. Parce que l’espace d’un instant, elle met la lumière sur lui, l’homme, le fils, le père, le mari, l’ami ou le collègue, aux prises, mais qui tente d’aller, aussi, vers sa propre liberté.
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